Ensemble de sculptures d’Afrique et d’Océanie, anciennement collection Paul Guillaume
Le dépôt exceptionnel d’un ensemble de sculptures d’Afrique et d’Océanie, anciennement collection Paul Guillaume, par le Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, ainsi que quelques dessins et archives, enrichissent le parcours de la collection.
"Le Louvre devrait recueillir certains chefs-d’œuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale." Apollinaire, 1909
Ensemble, Guillaume Apollinaire et Paul Guillaume ont œuvré à la valorisation des arts d’Afrique et d’Océanie. Dès 1910, alors employé dans un garage automobile, Paul Guillaume met en vitrine des sculptures du Gabon et attire l’attention du poète qui lui présente l’antiquaire Joseph Brummer ainsi que Picasso. Devenu marchand, Paul Guillaume, à contre-courant d’une opinion publique ethnocentrée, innove en présentant au sein de sa galerie des sculptures africaines, permettant à de nombreux artistes de découvrir ces œuvres.
En 1917, il prête des pièces à la première exposition Dada, galerie Corray, à Zürich et publie avec Apollinaire un album photographique intitulé Sculptures Nègres.
Son activité de marchand l’amène à jouer un rôle de conseiller auprès de galeristes et collectionneurs, comme Alfred Stieglitz, qui organise en décembre 1914 dans sa galerie 291 à New York, une exposition présentant art moderne et statuaire africaine. Il achète également des œuvres pour le compte d’Albert C. Barnes, destinées pour sa fondation de Philadelphie.
Si Paul Guillaume n’est pas le seul à s’intéresser aux arts extra-occidentaux, il a très tôt joué un rôle prépondérant en faveur de leur diffusion, ouvrant la voie à un changement radical de paradigme quant à leur perception.
Les arts extra-occidentaux ont longtemps été envisagés au prisme de l’ethnocentrisme. Les expressions "art Nègre" ou encore "art des Noirs", relèvent d’une terminologie en vigueur au début du XXe siècle, utilisée notamment par Apollinaire et Paul Guillaume.
Les Matrices Chromatiques d’Agnès Thurnauer
Les Matrices Chromatiques, sculptures fonctionnelles conçues par l’artiste Agnès Thurnauer, sont installées dans plusieurs espaces du musée de l'Orangerie.
Généreusement commandées et données par deux mécènes, Sophie Javary et Alain Bernard, au Centre national des arts plastiques et déposées à l’Orangerie, ces sculptures bancs d’aluminium mat, comme autant de "nymphéas-lettres" forment le mot "chromatiques" et diffusent l’aura de l’œuvre de Monet à travers tout l’espace du musée.
Les Matrices Chromatiques offrent un signal visuel fort et élégant au musée de l’Orangerie rénové et réactivé par les regards contemporains.
Dans le Musée de l’Orangerie, autour de l’écrin conçu pour diffuser la magie des Nymphéas, comment concevez-vous le chemin mental de Claude Monet à vos Matrices ?
C’est un chemin d’une merveilleuse logique ! Monet souhaitait, pour ses Nymphéas, une expérience d’immersion totale dans la peinture. Il avait donc conçu ces salles ovales pour ses tableaux, en continuum. Avec mes Matrices/Assises, lettres en creux à échelle du corps, je propose une immersion tout aussi physique dans l’espace du langage. À un siècle d’écart, ces deux dispositifs se répondent. La directrice de l’Orangerie, qui m’a sollicitée, Cécile Debray, décrit d’ailleurs mes Matrices comme des "Nymphéas de langage" !
L’histoire de l’art est souvent présente dans votre œuvre. N’est-il pas plus simple de prétendre faire table rase ?
Je pense qu’on ne fait jamais vraiment table rase, surtout quand on est artiste. Pour ma part, je dialogue avec les artistes du passé comme s’ils étaient présents : ce qui date une oeuvre, c’est le moment où le regard se porte sur elle, plus que l’époque où elle a été produite. J’ai ainsi réinterprété Olympia de Manet, en tissant sur l’icône tous les synonymes du mot "femme", puisés
dans la langue française du XIIe au XXe siècle. J’interroge ainsi simultanément le statut des chefs d’œuvres de l’art, tel qu’ils évoluent au fil du temps, et le langage, en permanente mutation.
Les auteurs qui vous inspirent s’invitent jusque dans vos œuvres. Est-ce une façon de répondre aux textes par des toiles et des formes ?
Les livres sont pour moi une géographie que j’arpente et où je puise des idées, des mots. Dans mon atelier même, à Ivry-sur-Seine, j’aime passer de l’espace horizontal de la page à l’espace vertical du mur de travail. Ils agissent comme des vases communicants. On retrouve, dans les Matrices, cette idée de déambulation dans le langage et avec les Matrices Chromatiques le rapport à la chromie des Nymphéas.
Il est difficile de vous classer dans les catégories cloisonnées de l’art contemporain. Comment avez-vous pu échapper à ce formatage ?
J’ai travaillé seule jusqu’à un âge certain, en suivant mon inspiration et en observant les artistes que j’aimais et qui souvent travaillaient dans une grande autonomie par rapport aux modes de l’époque. Monet, pour revenir à lui, a inventé l’abstraction avec sa série des Cathédrales, sans pour autant l’opposer à la figuration. Loin de revendiquer une avant-garde, il rendait cette dichotomie déjà obsolète à l’époque. Son seul impératif : être au plus près de sa vision, représenter ce qu’il avait en tête de la meilleure façon qui soit. Pour les Nymphéas, il a construit des bassins pour les peindre, avant de restituer sa vision dans des salles rondes — quelle liberté ! Et pour nous, visiteurs, quel affranchissement par rapport à des codes picturaux ! J’avoue, en conséquence, que la notion d’art contemporain me préoccupe peu.
Les visiteurs seront invités à s’asseoir sur vos œuvres. Que perd l’œuvre d’art lorsqu’elle s’apparente au mobilier ou au design et... que gagne-t-elle ?
Effectivement, mes Matrices/Assises proposent un usage, une capacité d’accueil au sens physique. C’est à dessein car le langage, selon moi, n’a rien d’abstrait. Il donne corps à la réalité. Face aux chefs-d’œuvre de l’Orangerie, les Matrices/Assises ont vocation à réactiver notre capacité à les lire, c’est-à-dire à mesurer leur singularité et leur à recevoir leur puissance. Par ailleurs, le fait que mes sculptures s’apparentent à du mobilier et soient éditées en série permet de toucher un public plus large.
Femme, vous investissez une institution dirigée par une femme, grâce au soutien d’une femme mécène. Entrez vous à l’Orangerie aussi en tant que féministe ?
Je suis féministe depuis le jour où j’ai demandé à la maîtresse de ma classe de CM1 pourquoi les musées comptaient si peu d’artistes femmes, et qu’elle n’a pas compris ma question ! Les années ont passé, mais le constat demeure et c’est effectivement en tant que femme féministe que j’entre à l’Orangerie pour installer mon travail d’artiste. Il se trouve que cette invitation est due à la vision remarquable de Cécile Debray, directrice du musée de l’Orangerie, et au soutient au long cours de Sophie Javary, qui a entrainé son mari Alain. Cette complicité féminine ajoute à la beauté de l’entreprise ! À cet égard, j’espère que d’autres artistes femmes trouveront leur place dans des lieux prestigieux.
Propos recueillis par l'Agence Communic’Art