“"Le Louvre devrait recueillir certains chefs-d’œuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale." ”
Ensemble, Guillaume Apollinaire et Paul Guillaume ont œuvré à la valorisation des arts d’Afrique et d’Océanie. Dès 1910, alors employé dans un garage automobile, Paul Guillaume met en vitrine des sculptures du Gabon et attire l’attention du poète qui lui présente l’antiquaire Joseph Brummer ainsi que Picasso. Devenu marchand, Paul Guillaume, à contre-courant d’une opinion publique ethnocentrée, innove en présentant au sein de sa galerie des sculptures africaines, permettant à de nombreux artistes de découvrir ces œuvres.
En 1917, il prête des pièces à la première exposition Dada, galerie Corray, à Zürich et publie avec Apollinaire un album photographique intitulé Sculptures Nègres.
Son activité de marchand l’amène à jouer un rôle de conseiller auprès de galeristes et collectionneurs, comme Alfred Stieglitz, qui organise en décembre 1914 dans sa galerie 291 à New York, une exposition présentant art moderne et statuaire africaine. Il achète également des œuvres pour le compte d’Albert C. Barnes, destinées pour sa fondation de Philadelphie.
Si Paul Guillaume n’est pas le seul à s’intéresser aux arts extra-occidentaux, il a très tôt joué un rôle prépondérant en faveur de leur diffusion, ouvrant la voie à un changement radical de paradigme quant à leur perception.
Les scarifications en forme de cercle, la simplification formelle font de cette figurine un objet très caractéristique des productions du peuple Lega vivant au coeur des forêts d’Afrique centrale. Franchir les échelons au sein de cette société impliquait une série d’initiations accompagnés de présents et de paiements. Certaines cérémonies se marquaient par le dévoilement du "panier du pouvoir" qui contenait insignes, cuillères et statuettes en ivoire ou en corne d’éléphant. De petite taille, les statuettes portent toutes un nom et évoquent une histoire. Lors d’une nouvelle initiation, les grands initiés sortaient les ivoires de leur sac, les installaient et les frottaient avec de l’huile ce qui leur donne une belle patine dorée et chaude.
Le 9 novembre 1965, cette statuette Lega a été vendue ainsi que l’ensemble de la collection et du stock d’art africain de Paul Guillaume qui se trouvait toujours chez sa veuve, Domenica Walter. Elle était reproduite dans le catalogue et figurait aussi dans un des deux albums de Paul Guillaume consacrés exclusivement aux arts extra-européens. Ces volumes, probablement réalisés dans les années 1930, permettent d’entrevoir ce qui pouvait se trouver entre les mains du marchand.